French kissing: la langue française.

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Les Français adorent s’amuser des gaffes que font d’ignorants Américains (et surtout Américaines), venus dans leur pays pour apprendre le français. Ils se moquent sans hésiter de celle qui s’annonce “excitée” par ses premières expériences de la langue, ou “pleine” à la fin d’un repas. Mais on parle beaucoup moins des désastres sociaux subis par les Français qui atterrissent en Amérique, en Angleterre, ou dans un autre pays anglophone, sans une connaissance parfaite de l’anglais. Combien de Français, par exemple, lors de leur premier rencontre romantique, savent que “to French kiss”, c’est littéralement approfondir la langue ... dans la bouche de l’autre? Ou que l’Américain qui dit “pardon my French” s’excuse d’un juron ou d’une obscénité?

Dans cet article donc, je voudrais me centrer sur les faux pas que font les francophones en anglais. Et il n’y a pas que les débutants... ce sont souvent des gens très fiers de leur anglais qui trébuchent de la manière la plus embarrassante. Des erreurs dues tout simplement à l’accent français, par exemple, peuvent quelquefois avoir de graves conséquences. En octobre, 2008, lors d’une interview accordée au quotidien israélien Ha’aretz, Bernard Kouchner a causé un petit souci diplomatique en laissant glisser dans un seul mot, deux fautes de prononciation ! Le ministre des Affaires étrangères est apprécié à l’étranger pour sa maîtrise de l’anglais. Mais cette fois, selon le quotidien israélien, le chef de la diplomatie française aurait déclaré qu’Israël serait en mesure de “manger” (“eat”) l’Iran s’il le voulait, alors que M. Kouchner voulait dire “hit” (frapper). Citation: “I honestly don’t believe that it will give any immunity to Iran … because you will eat them before.” Il a dû ensuite s'excuser par un bref communiqué où il regrettait un “malencontreux quiproquo”. Je ne sais pas si par ailleurs, il a pu causer un autre quiproquo avec cette expression, issue du latin quid pro quo, qui pour un anglophone veut dire "donnant-donnant". La leçon? Même si vous parlez couramment l’anglais, faites attention à la différence entre les voyelles longues et les voyelles brèves, genre beach/bitch, peach/pitch, sweet/sweat, sheet/shit, etc. Et surtout, ne négligez jamais les “h” aspirés.

Probablement le plus grand piège pour nous tous est le fait que 70% des mots en anglais sont identiques ou similaires au français. Historiquement, ceci vient moins de l’imposition du Latin aux îles Britanniques pendant les quatre siècles de l’occupation romaine, que de la victoire de Hastings en 1066, qui permettra à Guillaume de Normandie (dit “le conquérant” par les Français, et “the bastard” par les Anglais) de devenir roi d’Angleterre. Ainsi, pendant trois cents ans, le français sera la langue de la cour d’Angleterre, et par extension, de sa noblesse et de son administration.

Comme résultat, celui qui apprend la langue de l’autre n’a pas tout à fait tort de se fier à ces similarités. Souvent, il peut, sans danger, prendre le mot qu’il connaît dans sa propre langue, et le prononcer de son mieux avec l’accent de l’autre. Mais cela peut aussi induire en erreur. Car il existe entre les deux langues au moins mille homonymes, que les anglophones appellent (en français !) “les faux amis”. Vous êtes déjà tombé dans le marasme de librairie vs library, actuellement vs actually, caractère vs character, figure vs figure, réaliser vs to realize, ignorer vs to ignore, rester vs to rest, et le pire de tous: “tu me manques” vs “do you miss me?

Mais ce sont les faux pas de nature sexuelle, étonnamment répandus dès qu’on commence à parler une langue étrangère, qui infligent les pires humiliations. A ce propos un ami a observé: “Ils sont évidemment si fréquents parce que c'est dans ce domaine que le langage est souvent détourné ...” Je ne prétends pas ici fournir une liste définitive des bévues possibles pour l’innocent Français (ou Française) qui fait ses premiers pas dans les dédales de la langue anglaise. Mais je ne peux m’empêcher de vous donner, en guise d’exemples, deux petites anecdotes. Je laisse d’abord parler Françoise:

Entre l’anglais et le français il y a un certain nombre d’insultes réciproques. Les Rosbifs, qui à notre avis n’ont pas d’imagination en cuisine, nous appellent des “Frogs” car il nous arrive de manger des cuisses de grenouille. D’ailleurs “filer à l’anglaise” en anglais se dit “to take French leave”, et ce n’est pas un compliment. Je suppose qu’il vaut mieux injurier (to insult) que to injure (blesser).

Heureusement dans mon cas un malentendu causé par une expression de ce genre a bien fini, car c’est ainsi que j’ai rencontré mon mari, un Anglais. On travaillait dans la même entreprise à Londres. Voilà comment c’est arrivé: chaque matin je me pointe dans le bureau où l’on distribue le courrier, pour demander si on a des “French letters” pour moi. Tout le monde me fait d’énormes sourires que je prends pour de l’amitié. Lui enfin a pitié de moi et m’explique que “French letters” veut dire des préservatifs, que, d’ailleurs, à l’époque nous, on appellait des “capotes anglaises”. Bien entendu il a fallu ensuite qu’il m’épouse !

Pour conclure, j’invite Régine à nous raconter une histoire qu’elle a vécue aux Etats-Unis:

Je venais de finir mes études à Paris, et par un mélange de pot et de piston, j’ai eu la chance folle d’être engagée comme subalterne à la Mission française des Nations Unies à New York. C’était du temps où l’on croyait encore à l’efficacité de cet organisme.

Bref, à 23 ans, je pars aux “States” pour un séjour de 2 ans. Au début c’est dur. New York est dur. Les gens me semblent durs aussi, toujours pressés. Mais vers la fin je commence à m’y trouver bien, vraiment à mon aise. Je prends des habitudes américaines, je me fais des amis. Je fais mon shopping dans le quartier, où je connais un certain nombre des commerçants. Comme une jeune New Yorkaise typique, je vis en co-location. Je partage un joli appartement sur la East River avec une Anglaise, qui, elle aussi, travaille à l’ONU. On parle anglais à la maison, et je me crois, pour ainsi dire, bilingue.

Un soir, en rentrant du boulot, je m’arrête, comme pratiquement tous les soirs, au “deli” (traiteur) en bas de notre rue. Le propriétaire est un vieux monsieur adorable, qui s’occupe de nous, car il nous trouve trop maigres. Il nous prend sous son aile, et nous fait quelquefois une fleur, en nous offrant des fruits, ou un échantillon de plat cuisiné. A chaque fois il dit: “this is to fatten you up” (ceci est pour vous engraisser). Le soir en question je n’ai pas besoin de grand-chose -- juste d’un peu d’emmenthal râpé. Je suis en retard. Il fait déjà nuit. J’entre dans la petite boutique bien chaude, les vitres tout embuées, avec son lino usé. Devant moi il y a une vitrine éclairée d’un long tube fluorescent bleuâtre. Là-dedans sont exposés trois fromages, y compris l’équivalent américain de l’emmenthal, un peu caoutchouteux, avec d’énormes trous, que les Américains appellent “Swiss cheese”. Il y a aussi des saucissons, des salades composées de macaronis ou de thon, liées à la mayonnaise, et des viandes cuites, le tout vaguement décoré de persil fané. Le couvercle de la vitrine crée une sorte de haut comptoir en métal derrière lequel on n’aperçoit guère que la tête chauve du propriétaire.

Le hasard fait qu’il n’y a pas d’autres clients -- heureusement !! Avec un grand sourire je lui demande “a quarter-pound of Swiss, please.” Mais là, j’ai un petit défaut de vocabulaire. Je veux du fromage râpé, mais je ne connais pas le mot “grated ”. Donc je fais comme d’habitude, et je prends le mot français, que je prononce à l’Américaine. D’une politesse exquise, j’ajoute,“I’d like it raped please”.

Il me regarde un peu étrangement, coupe le fromage, et commence à l’emballer (to wrap it). Il a sans doute compris par “raped” que je voulais dire “wrapped”. Moi, pour ma part, je crois qu’il a oublié de râper le fromage, et nous, on n’a pas de râpe à la maison. J’aurais dû m’arrêter là, mais non ! J’insiste. Je mets les pieds dans le plat. Pire, je frappe de ma petite main sur le comptoir ! “No! I want it raped! ” Le pauvre ! Sans me regarder, il finit d’emballer mon fromage, m’annonce le prix, et les yeux toujours baissés, pousse le paquet vers moi. Furieuse, je paie, et je sors, plus ou moins en claquant la porte. Je rentre chez moi, où je tombe sur ma colocatrice. “I’m so furious with the man at the deli! (Le traiteur me rend furax)” j’annonce. “He refused to rape my cheese! (il a refusé de violer mon fromage)”

L’Anglaise est prise de fou-rire. Elle se plie en deux. Elle rit si fort qu’elle met un certain temps pour m’expliquer ce que je viens de dire au traiteur. La fin de l’histoire ? Je n’ai plus jamais mis les pieds chez ce traiteur. En fait, pendant le reste de mon séjour à New York, chaque fois qu’il fallait que je passe devant le deli, j’ai traversé la rue pour marcher sur l’autre trottoir.

© Julia Frey 2010

Photo Credits: Yann Féron

Amuse-Bouche No. 22: French kissing: la langue française

(julia.frey@aya.yale.edu)

Just for fun, this “Amuse-Bouche” is in French, about the perils of learning English!

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Comments

  • J'etais dans la voiture avec mes deux enfants adolescents et deux de leurs copains quand j'ai annonce en anglais que j'allais couper le fromage (prendre un raccourci) pour arriver a leur terrain de foot. Apres s'etre remis de son choc, l'un de mes fils m'a explique qu'en anglais "to cut the cheese" signifie "faire un pet".
  • Cela me rappelle une anecdote qui est arrivée à mon mari en France la première année où il est venu. Il est américain, mais parle bien le français. On venait d'arriver de New York, nous étions à une soirée chez des amis où nous devions dormir. Je suis allée me coucher juste avant lui, et quand il m'a rejoint, je dormais déjà. Il retourne dans le salon, et il dit a mon amie "Ah, je voulais baiser Christine, mais elle dormait déjà !" Mes amis, un peu consternés quand même par tant d'audace, ont éclaté de rire, et comme il ne comprenait pas, ils lui ont expliqué la signification actuelle de "baiser". Il voulait seulement dire "l'embrasser" mais il avait transposé´´a kiss = un baiser donc to kiss = baiser !

  • ah bon ! Now that sort of gesture would have cleared everything up immediately! Thanks, Robert.
  • I sent this amusing story to a French friend here in New York and the reply I got was, "Couldn't she make a gesture of using a grater?"
  • Un bon article! Je suis toujours très amusé par des histoires comme ça.
  • Two nations separated by the same language...
  • J'ai fait, il y a bien longtemps, une semaine de ski hors piste en France. On était une quarantaine de jeunes adultes, tous Français à part une Américaine et moi . Le matin, on mettait des peaux de phoque sous nos ski pour pouvoir monter. Une fois au sommet, on les enlevait pour la descente. Un Français a proposé à l'Américaine, un matin: "Tu veux aller phoquer avec moi?"

    Il y a aussi des pièges entre l'anglais et l'américain. En Allemagne, au Goethe-Institut où j'apprenais l'allemand, un Anglais a demandé à une Américaine si elle voulait qu'il passe la réveiller le lendemain pour partir au ski: "Do you want me to come by and knock you up?"
  • Souvent c'est le le mot phoque qui donne le plus de problèmes pour des Français au Central Park Zoo....
  • Merci pour cet article très amusant! Pour ma part, je n'ai jamais osé dire à mes élèves "Have a sheet of paper" car j'avais trop peur de mal prononcer le mot "sheet"... Autre petite anecdote: Mes étudiants souriaient toujours lorsque je disais "à la fac"...
    Amitiés,
    Fanny
  • Merci Monique, pour cette anecdote, et aussi pour tes commentaires et corrections de cet article dans l'état de brouillon !

    Julia
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