je fais des bêtises!

Je commence à mesurer l’ampleur de certaines différences culturelles et pédagogiques. Il est donc sans cesse question non seulement de s’adapter mais aussi de se débarrasser d’autres petites habitudes pas très bonnes, acquises, hélas, au cours d’un encroûtement lent et insidieux - induit par l’âge? la lassitude? l’aigreur peut-être (pourtant je ne me sens que très rarement aigre) ? une certaine forme de paresse que je maîtrise assez bien? toussa en même temps?


Toujours est-il que je fais / j’ai fait quelques bêtises …


Les deux premières semaines, je me suis rendue compte que je ne cessais de faire référence à la France dans mes diverses conversations avec les collègues et le personnel de l’établissement. Ça m’a d’ailleurs étonnée, parce que pour trouver un poil de chauvinisme sur mon caillou, faut se lever de bonne heure, quand même. Comme je suis longue à la détente, j’ai fini par comprendre que j’essayais surtout d’expliquer pourquoi, après avoir baigné dans un univers particulier, et malgré mes dispositions à l’ouverture d’esprit, je ne parvenais pas à gérer, ou même comprendre certaines situations. Ensuquée dans ce qui était devenu de l’ordre du réflexe, j’étais incapable de réagir de manière appropriée, et pour l’expliquer aux autres, je ne pouvais que faire référence à ma propre marmite de potion magique (euh .. le mot « magique » n’est pas trop de circonstances, mais vous m’avez suivie, je pense). Bref …. j’imagine aisément que je devenais gonflante!!


Je disais aussi quand ça n’allait pas et si vous avez bien suivi, j’ai vite laissé tomber. J’apprends à être « de façade », j’arrive avec le sourire aux lèvres et des pétillements dans les jambes même quand ça coince du côté de l’estomac. Je me permets éventuellement de dire que j’ai un peu de fièvre (c’était le cas ces deux derniers jours), mais comme je suis là, à plaisanter et faire mes trucs, j’estime que ce n’est pas la mer à boire. Je serais très tentée de critiquer cet optimisme à tout crin, ça me fait peur en fait, mais force est de constater que … ça marche : on se met dans une disposition d’esprit au petit matin, et ça tient le temps que ça veut bien tenir. Je pense qu’en fait c’est jouable tant que l’on reste conscient que certains jours, on est dans la comédie. Mais il s’agit de ne surtout pas se perdre soi-même de vue ; si ça ne va pas, il est impératif d’en être conscient, sous peine de mettre sous couvert une formidable énergie du désespoir prête à vous pourrir la vie. Le hic, c’est que personne ne laisse sortir cette énergie-là au boulot ; faut sauver sa peau en préservant celle des autres, donc faut masquer. La Principale me l’a dit l’autre jour les yeux dans les yeux : « Tu me vois naviguer dans l’établissement, le sourire aux lèvres, la pêche et tout, mais certains jours, c’est une histoire totalement différente qui se déroule dans ma tête et j’ai quelques petits conversations privées avec moi-même invisibles et pas très rigolotes« . Je suis assez d’accord finalement avec ce qui motive cela, même pour des situations hors boulot, pour la vie en général quoi, il m’a juste fallu m’ajuster aux nuances.


L’autre jour à l’Ambassade, j’ai dit un gros mot devant une personne plutôt importante. Et j’ai répété le gros mot. Je disais que pour être passée par là, je savais que dans ce type d’établissement, il te fallait passer la première année, ensuite tu fais partie des meubles (= tu ne t’es pas barrée en courant, aux yeux des gamins) et les élèves t’emmerdent moitié moins (véridique). Je ne sais finalement si c’est l’idée exprimée (rapidement donc réduite) ou mon vilain vocable qui ont fait se raidir mon interlocuteur(trice), mais en fait de bêtise, je m’en fiche un peu D’abord, j’aime bien les gros mots (employés à bon escient, même si pas dans le meilleur des contextes), et on ne m’en décrottera pas.


Mais en parlant de ce concept de « première année » à passer, je me suis rendue compte d’une autre erreur, la plus importante à mes yeux en fait. En me présentant aux élèves ici, j’ai bien dit que j’étais là pour un an. Et je crains fort que dans l’inconscient de quelques-uns, cela ait pu être interprété comme « bon, elle n’en pas grand-chose à fiche de nous, si elle n’est là que pour son »expérience » d’un an seulement ». Oui, là je crois que j’ai fait une vraie bêtise … qui pourrait expliquer en partie que j’en bave encore des ronds de chapeau.


Une autre bêtise, malgré son importance, ne peut pourtant pas être qualifiée ainsi, je m’en défends. J’ai déjà évoqué l’interdit presque suprême de toucher un élève. C’est vraiment pas un mythe, ladies and gentlemen, faut que je fasse très très attention! En racontant aujourd’hui à trois collègues que justement, j’avais des soucis avec ce qui pour moi est un pur réflexe, j’ai utilisé le mot « push » (pousser) ; les trois se sont écriés à l’unisson de ne jamais utiliser ce mot! Même dans la description d’un incident que je serai peut-être un jour amenée à faire, je dois surveiller le vocabulaire! Big big issue here .. Et moi, je me débats avec des gestes réflexes inscrits quasiment dans mes gènes (origines italiennes et créoles). Je touche pour signifier ma bienveillance, pour empêcher un geste, pour retenir un élève, pour dévier sa trajectoire, pour ramener l’attention vers nous … Dear dear, dear, je m’en rends toujours compte une fraction de seconde trop tard. Ce matin, un élève (catégorie « méchant ») m’a dit qu’il allait signaler que je l’avais touché (catégorie « ne te défile pas pendant que je te parle »). J’ai répondu du tac au tac que j’en serais ravie, car ce serait enfin l’occasion de rencontrer ses parents. Peut-être que cette réplique aura dégonflé l’affaire, peut-être pas. Je me sens très mal à l’aise par rapport à tout ça en général, et malgré cela … ma main s’envole d’elle-même vers une épaule ou un poignet. Dur, dur …


Plus anecdotique, mais à surveiller : les bulletin boards. Ce sont les tableaux d’affichage dans les couloirs et dans les classes où l’on expose les travaux d’élèves, à la fois pour montrer les notions abordées et valoriser le travail de certains. Dans la tonne d’infos que j’ingurgite depuis un mois, j’avais bien entendu « bulletin boards » et,plus grave, j’avais bien compris de quoi il s’agissait ….mais …. j’ai zappé … et puis, vu mes difficultés actuelles à enseigner, je n’ai pas grand-chose à proposer. Gloups. J’aime beaucoup l’idée en fait, et je vais faire en sorte que …


Cela m’amène néanmoins à une conclusion …une réflexion que je me fais de plus en plus régulièrement : je ne peux pas continuellement procrastiner, je ne peux pas non plus compter sur mes qualités d’improvisation, mes connaissances et mes acquis. Je dois tout rentrer dans des cases, tout noter et organiser au millimètre, anticiper sans cesse tout. C’est douloureux, c’est fastidieux! je me remets en question, et je sais aussi que c’est quand même un peu ça que je cherchais en acceptant l’aventure : me désencroûter.

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Alors on va dire que je suis un moteur diesel. Je sais que je peux être très lente à démarrer, mais qu’ensuite je peux presque abattre des montagnes.

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