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                L’Art du débat télévisé: Et Biden a bien joué sa partition !

Suite à la récente déconvenue d’Obama qui a sérieusement remis Mitt Romney en selle, le débat Biden-Ryan a pris une dimension inhabituelle pour le poste de Vice-Président. Biden et Ryan sont deux représentants de cette classe politique fière de son pedigree depuis que, à la faveur de l’ascension des Kennedy, l’Irlande est devenue un symbole mythique en politique américaine. Chaque politicien américain cherche acrobatiquement ses ancêtres irlandais. Mario Cuomo et Rudolph Giuliani n’ont pas osé : l’Italie leur colle trop au patronyme. Ce qui passait pour la roture a accédé au rang de particule nobiliaire.

 Le duel Biden vs Ryan a bien eu lieu. Selon tous les commentateurs, il a été un temps fort de la lutte pour la conquête de l’électorat tant démocrate que Républicain. La pression était surtout dans le camp des démocrates après la prestation en demi-teinte de leur poulain Obama. On craignait que Biden n’accumulat les gaffes dont il est coutumier. Mais c’était aussi oublier que dans ses bons moments Biden peut être un redoutable interlocuteur servi par plus de 40 années de service public. Un vrai lutteur qui ne rechigne pas à s’engager dans la bagarre pour défendre les intérêts des classes moyennes. On peut dire que le vieux Biden n’a pas déçu. Il a réussi à contenir les colonnes marchantes des Républicains. Il a su porter avec panache les couleurs des démocrates. Ryan (en dépit d’une nervosité très visible), avalant des verres d’eau en lieu et place de la bière inappropriée pour la circonstance, a fait une prestation honorable. Il n’est pas exact de faire de lui « rien qu’un jeune novice aux dents longues ». Loin de là ! Il est l’idéologue qui semble avoir garagé l’étincelant Gingrich désormais figure du passé et pièce de musée (finalement son Contrat avec l’Amérique est comme le p’tit bateau qui n’a jamais navigué).  Ryan s’est forgé une réputation de fort en thème et de petite bombe statistique.  Mais bien arrosé par les salves de rire de Biden, Ryan-Rastignac a fait l’effet d’un pétard mouillé. La confrontation Biden-Ryan vient rappeler ce qu’il faut pour un bon débat politique dominé par des primes électorales considérables. Un élément de passion, pour réchauffer les arguments, ne nuit jamais. Une bonne connaissance des « questions disputées » (comme diraient si joliment les médiévaux) est une part obligatoire de l’exercice. Afficher une gueule sympathique et sure de son charme dominateur favorise une bonne écoute : Kennedy en a engrangé les bénéfices, et Nixon en a fait les frais. L’esprit de repartie qui maintient la flamme  est vivement souhaité. La rapidité dans la réplique, façon Reagan, apporte du piment. Ça doit faire bang bang ! Malheur á qui dégaine en retard ! Si Obama était en bonne forme la semaine dernière il aurait pu accuser Romney d’avoir la gâchette trop facile. Il est difficile en ce domaine de résister au charme des Westerns. Le débat télévisé est un exercice bien différent des discours de campagne ou des harangues. On peut dire que c’est même un métier. Obama - et ceci depuis 2008, et même avant-  (on tend à l’oublier tant l’orateur peut être si admirable dans ses moments inspirés) a des performances très inégales dans les débats. Le bonhomme est beaucoup plus « orateur » que « débatteur ». Pour bien réussir cet exercice, il faut concocter la cohérence, la rapidité et la repartie qui entrent dans la définition de ce qu’est la présence d’esprit. Si l’argumentaire est le nerf du débat, le maniement des mots en représente les viscères. Oui de bons mots qui touchent le « démos », et qui vont pour une semaine au moins colorer le parler de Monsieur tout le monde et de Madame Personne ! Combien de gens connaissaient le mot « malarkey » (très irlandais) avant que Biden ne lui donnât un haut voltage de popularité l’espace de quelques secondes d’intensité ? Peut-être pas O’bama qui a récemment fait le pèlerinage d’exploration de ses racines irlandaises! Il y a dans le débat télévisé des éléments qui devraient faire plaisir à Clint Eastwood  même quand la chaise de l’invité attendu est vide. Tout cela n’exclut pas une petite dose de méchanceté, i.e. l’intention arrêtée (délibérée) d’infliger des blessures à l’adversaire, de lui faire mordre de la poussière, de le terrasser dans une ambiance de corrida qui déclenche le plaisir hystérique des spectateurs. Un débat qui n’est pas saupoudré de bons mots (Vous n’êtes pas Jack Kennedy, Vous n’avez pas le monopole du cœur, Je ne suis pas votre élève, on verra cela si vous êtes au second tour, etc.) nous laisse sur notre faim. Les débats à la française n’y font pas exception, ils regorgent de ces  « fameuses petites phrases » bien ciselées (à la Mitterrand ou à la Balladur) et distillées sur un ton de badinage mâtiné d’amabilité et de malice savamment calculées. A l’ère de la démocratie un  débatteur politique perd à être soupçonné d’ « élitisme » (cause de l’échec de Kerry en 2004, ou de Balladur en 1995 caricaturé en Louis XVIII). Biden, tout comme le sidérant Bill Clinton, n’a pas à faire beaucoup d’efforts pour être au niveau de l’américain moyen. Tout en évitant les écueils de la pitrerie, Biden a fait montre d’un réel talent d’acteur Jeudi soir dans un débat arbitré avec maestria par Martha Raddatz de la chaine ABC.  Obama-souvent professoral et trop flegmatique- a du temps à rattraper à cet égard !

Tout compte fait, il n’est pas exagéré de dire que Biden l’a emporté d’une courte tête sur Ryan. Et cela redonne du tonus aux démocrates. Reste á souhaiter que les arguments de Biden trouvent écho chez les seniors de la Floride, et Qu'Obama redresse la barre de maniere decisive face a Romney.

Assely Etienne, New York 12 Octobre 2012

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